chapitre 1: dans le doute, crie!
Lizzie Hearts, la princesse de Cœur, fille de la Reine de Cœur, héritière du trône du Château de Cartes du Pays des Merveilles, capitaine de l’Equipe de Croquet d’Ever After High, et passionnée de hérissons, tenait un couteau. Il n’était pas pointu, à peine assez pointu pour crier « Qu’on lui coupe le beurre ! ». En fait, peut-être assez pointu pour être utilisé sur un tout petit homme fait entièrement de beurre. Oui, elle pourrait utiliser ce couteau pour décapiter un minuscule homme de beurre. Si une telle chose existait.
« Ne me dis pas que tu emballes un couteau à beurre », dit Duchess Swan tandis qu’elle pratiquait ses pirouettes tout autour de leur chambre à coucher. Duchess, fille de la Reine Cygne, dansait tout le temps. Même pendant qu’elle dormait, elle gardait ses pieds en pointe.
Lizzie fourra le couteau à beurre dans la poche à damiers rouge et or de sa jupe et sentit ses joues virer royalement au rouge. Au Pays des Merveilles, avoir un couteau à beurre en toutes circonstances a tout simplement du sens – après tout, personne ne savait quand quelqu’un viendrait avec du beurre. Mais ce qui avait du sens au Pays des Merveilles avait rarement du sens à Ever After. Lizzie se sentait souvent aussi confuse qu’un œuf rempli de chauves-souris.
« C’est une excursion, pour l’amour des fées », disait Duchess en faisant ses pliés tout en fourrant une tiare en argent et une couronne à plumes dans son sac à dos. « Tu ne sais pas comment on prépare son sac pour une excursion ? ». Duchess ajouta une paire de chaussons de danse en satin noir. « Pourquoi, quand je… »
Duchess continua de parler, mais Lizzie arrêta d’écouter. Sa mère lui avait appris que Ne Pas Ecouter était une compétence importante pour une reine. La main de Lizzie était toujours dans la profonde poche de sa jupe, et elle la referma autour de son précieux deck de cartes de jeu. Sa mère le lui avait donné avant que Lizzie ne s’échappe du Pays des Merveilles avec Kitty Cheshire, Madeline Hatter, et quelques autres. Elle glissa une carte en dehors du deck et lut la note griffonnée par la main de sa mère.
Les vers parlent, oui ils le font,
Mais pas autant que toi et moi
Tout ce qu’ils disent c’est « blablabla nourriture »
Donc tu n’as pas besoin de trop écouter
Entraîne-toi à Ne Pas Ecouter les vers aujourd’hui
Et par vers, je veux dire les gens
Sur chaque carte du deck sa mère avait écrit un conseil pour Lizzie, destiné à faire d’elle une meilleure reine, souvent combiné avec d’autres informations sur comment le monde fonctionne. Ou comment il devrait fonctionner. Même si elle était à Ever After High depuis un certain temps, Lizzie se sentait toujours incapable de comprendre toutes les étranges et folles habitudes de l’école. Comme celle qui consistait à préparer son sac pour une excursion.
« … une plume ! Tu le crois ça ? » disait Duchess en brossant ses longs cheveux noirs, blancs et lavande. Lizzie agita sa main pour réclamer le silence, qui ne vint pas. « Et elle n’était même pas blanche, pas vraiment ! Elle était peinte, comme avec une sorte de… »
« Qu’on lui coupe la tête ! » cria Lizzie.
Duchess s’arrêta, la bouche ouverte.
« Explique cette excursion » demanda Lizzie.
Une autre des cartes de sa mère conseillait :
Ne jamais jamais jamais jamais jamais jamais jamais jamais admettre
Qu’il y a quelque chose que tu ne sais pas.
Parce que tu sais tout
Tu peux avoir simplement oublié
Une partie de quelque chose
De plus, ne dis à personne que tu as oublié
Donc Lizzie ajouta « Non pas que je ne me rappelle pas exactement que le Directeur Grimm a dit où nous allons et pourquoi. Je veux juste voir si tu le sais. Naturellement, ce n’est pas qu’une promenade. Humm, pas vrai ?
Duchess soupira « C’est une excursion du Vent. Chaque année nous rendons visite à l’un des Quatre Vents. Le Vent de l’Ouest, c’était l’année dernière, tu te rappelles ? »
Malheureusement Lizzie se rappelait très bien cette excursion à la plage. Elle ne se rappelait pas du Vent de l’Ouest lui-même, bien qu’il ait l’habitude d’appeler tout le monde « mec ». Il ne ressemblait pas à un vent du tout, juste à un homme en maillot de bain avec des cheveux bleus qui claquaient sans cesse dans un vent que personne d’autre ne pouvait sentir. Mais l’après-rencontre – la partie « fun » - donnait toujours des frissons à Lizzie.
Les étudiants avaient apporté du matériel de natation, couraient dans et hors de l’eau, et se jetaient des ballons au-dessus de filets comme si ces activités étaient complètement normales. Pendant ce temps, Lizzie s’était assise sur le sable, tandis que, enveloppée dans son manteau garni de plumes de flamants, elle transpirait. Si elle avait demandé à quelqu’un de lui expliquer ce qu’on était supposé faire sur une plage d’Ever After, ils sauraient qu’elle ne sait pas tout – et, de plus, qu’elle n’était pas encore prête à être la Reine de Cœur. Et elle décevrait sa mère et abandonnerait le Pays des Merveilles. Donc elle a dû rester simplement là. A transpirer. Et ressembler autant que possible à une reine.
Elle caressait son manteau de plumes à présent, sans savoir si elle devait l’empaqueter à nouveau.
Duchess parlait toujours « … son nom est Zephyrus, tu sais ? Plutôt un gentil garçon pour un Vent. Je me disais que Zephyrus serait un joli nom pour mon prince charmant. Ou bien Ryan. »
Lizzie se préparait pour davantage de Ne Pas Ecouter mais elle estima qu’elle n’avait plus assez d’énergie pour ça.
« Je crois que j’ai entendu un hérisson qui a besoin d’aide » dit Lizzie. D’une manière royale – menton relevé et lèvres serrées – elle marcha vers la porte ornée, en forme de cœur, dans son côté rouge et or de la chambre. La porte était juste à sa taille et, source perpétuelle d’irritation pour Duchess, Lizzie était la seule à pouvoir l’ouvrir. Mais Duchess ne pouvait pas se plaindre. Après tout, la porte magique avait été installée avec la permission spéciale du Directeur Grimm lui-même.
« Excuse-moi ? » dit Duchess. « J’étais en train de dire quelque chose. »
« Tu es excusée » dit Lizzie, et elle marcha à travers la porte, en la refermant fermement derrière elle.
Au début, il y avait un vide frissonnant. La pâle peau de Lizzie se piqueta de chair de poule tandis qu’elle attendait la magie. En moins de temps qu’il n’en faut pour inspirer une bouffée d’air, un brouillard parfumé au miel se leva, tourbillonna et s’envola. Derrière elle se tenait la porte, mais elle n’était plus attachée au mur. Lizzie n’était plus à l’école, transportée des lisières des pelouses de l’école à son propre jardin personnel.
Lizzie inspira et se sentit relaxée de sa lourde couronne dorée à ses chaussures rouges aux talons dorés. L’air dans le Petit Bois des Merveilles, parfumé par les plantes et les fleurs du Pays des Merveilles, rappelait le chewing-gum mouillé, le soda pétillant froid et le loukoum à moitié mangé. Lizzie se promena sur le gravier de cristal entre les lits de fleurs soigneusement rangées, les buissons soigneusement taillés et les arbres aux formes parfaites. Elle laissa ses doigts traîner sur les feuilles et les fleurs, saluant d’une caresse les fleurs qu’elle avait plantées et soignées. Leur magie était affaiblie à Ever After – les champignons jaunes à pois qui surgissaient entre trois racines ne pouvaient pas changer de taille, par exemple – mais au moins ils avaient tous l’apparence et le parfum de la maison. Lizzie ferma les yeux et sourit. Ici, elle n’avait pas besoin de s’inquiéter des gens qui la regardaient pour savoir si elle agissait comme la parfaite reine que sa mère voulait qu’elle soit.
Un crissement trancha l’air. Lizzie courut vers la petite cabane où elle gardait outils de jardinage, accessoires de croquet et quelques centaines de paquets de cartes de jeu du Pays des Merveilles de rechange. Son hérisson de compagnie, Shuffle, pendait au toit par une minuscule patte. Lizzie la saisit et caressa l’épineuse créature tandis qu’elle frissonnait de terreur.
« Apparemment j’avais raison à propos d’un hérisson qui avait des ennuis » dit-elle. « Comment as-tu fait tout le chemin jusque-là, Shuffle-bug ? »
Le hérisson ne dit rien, car à Ever After, les hérissons ne parlaient pas. Aucun hérisson que Lizzie ait pu voir, en tout cas, et elle était plutôt observatrice pour tout ce qui concernait les hérissons. Au Pays des Merveilles, un hérisson – ou n’importe quoi, en fait – pourrait parler un jour et pas le lendemain, mais la conversation était toujours possible. A Ever After, les choses étaient ce qu’elles étaient, avec juste quelques changements, quelques paroles (Duchess était une exception notable). Donc elle dut imaginer que Shuffle exprimait ses remerciements pour le sauvetage, manifestait avec force effusion sentimentale son amour pour Lizzie, puis lui donner une recette pour une délicieuse tourte marshmallow-citron.
« Roink » dit Shuffle.
« Eh bien, oui, je suppose que tu parles » dit Lizzie. « Simplement pas de la même manière que moi. »
« Roink » souffla Shuffle.
Lizzie sourit. « Roink », souffla-t-elle en retour.
« Cuicui » dit un moineau depuis le toit de l’abri.
Un pinson débarqua juste à côté de lui.
« Cuicui » dit le pinson, et le moineau hocha la tête en signe d’approbation.
Un rouge-gorge se posa pour rejoindre le groupe. « Cuicui » dit le rouge-gorge.
« Je ne parle pas le Cuicui », dit Lizzie.
« CUICUI » dirent les trois oiseaux en chœur.
« Pschhht ! » dit Lizzie en secouant la main vers le petit groupe. « Allez-vous en ».
Le pinson inclina la tête dans sa direction.
« Ecoute, je n’ai rien contre les oiseaux » dit Lizzie. « C’est juste qu’à Ever After, vous avez tendance à apporter d’autres accompagnateurs beaucoup plus gros avec vous ».
Au loin, quelque part entre la dernière plante Wonderlandienne et les pelouses officielles de l’école, quelqu’un cria « Lizzie ! ».
« Et ça » - Lizzie soupira « c’est exactement ce dont je suis en train de parler ».
Apple White, la co-présidente du Conseil Royal des Etudiants, courait vers elle dans ses incommodes talons hauts rouge et or. Comme Lizzie, Apple était destinée à devenir une reine. Mais Apple était gentille. Ca mettait Lizzie mal à l’aise. La Reine de Cœur n’avait-elle pas prévenu sa fille de ce que l’on attendait d’une reine ?
Une reine se lève et crie dans des pièces vides
Quand elle se sent faible,
Pour elle, elle est son propre écho.
Elle est la chose qui se tient entre
Ce qui a été et ce qui a été vu
Et elle pousse sur chacun des côtés
Une reine se lève pour elle-même,
Et par elle-même, et sur ses jambes.
Parce que ses jambes sont ce qui la tient debout.
Elle se lève aussi pour le pays. Son pays. Le Pays des Merveilles.
Sans pays, on se demande où on se lèverait.
Surtout les reines
En résumé : Pousse, Crie, Lève-toi. Sois une reine
« Lizzie ! » cria à nouveau Apple, en la saluant de la main cette fois, bien que Lizzie ait été bien avertie par son propre nom, donc le répéter ne semblait pas nécessaire. Peut-être que c’était un truc à Ever After. Elle devrait essayer, pour que les Ever Afteriens se sentent plus à l’aise.
« Apple ! » cria Lizzie, voyant Apple courir pour parcourir les derniers mètres qui la séparaient d’elle.
« Hé ! » dit Apple, un peu à bout de souffle, mais sans le moindre signe de transpiration, ses parfaites boucles blondes flottant autour de ses joues potelées et de son sourire infatigable.
« Apple ! » cria encore Lizzie.
« Ouais », dit Apple, clairement légèrement confuse à propos de quelque chose, mais Lizzie sentit qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter pour cela.
« Apple ! » dit encore Lizzie, parce que la troisième fois porte chance.
« Hé, j’ai essayé de te trouver dans ta chambre, mais tu n’y étais pas, et Duchess ne voulait rien me dire ». Apple tendit sa main, et le pinson voltigea jusqu’à elle pour se percher sur son doigt, le moineau et le rouge-gorge se posant lentement sur ses épaules.
« Elle ne t’a rien dit ? » demanda Lizzie. « Je trouve ça remarquable. Elle raconte toujours des choses, que l’on veuille les entendre ou pas ».
Apple rit. « Oui, c’est vrai, mais elle n’a rien voulu me dire sur l’endroit où tu étais. Je crois que je n’ai pas prêté attention au reste. »
Lizzie hocha la tête. Apple devait avoir appris la leçon de Ne Pas Ecouter par sa mère, elle aussi. Peut-être qu’elles étaient plus semblables que Lizzie ne l’aurait cru.
« Enfin bref »dit Apple. « J’ai envoyé mes adorables petits amis oiseaux pour te trouver pour que je puisse t’offrir une excellente opportunité de te connecter au corps étudiant, d’être féeriquement utile et d’avoir une incroyable expérience à partager ! »
A nouveau, peut-être qu’Apple et Lizzie étaient aussi différentes l’une de l’autre que Lizzie l’avait imaginé de prime abord.
« Je suis occupée » dit Lizzie.
Apple marcha vers elle, entrant dans le Petit Bois. « C’est génial ! Combien d’espèces différentes as-tu planté ? »
« Vingt-deux » répondit Lizzie, sa voix s’adoucissant malgré elle. « si tu comptes les deux sortes de buissons de baies changeantes, les trois sortes de buissons de Merveillodendrons et quelques sous-espèces d’attrape-mouches Féerique de Venus. » (le texte original mentionne que la plante s’appelle « Venus Fairy Traps », une référence cachée à Venus McFlytrap, personnage de Monster High !)
Apple s’accroupit près d’un buisson de baies changeantes, saisie par les baies qui changeaient de couleur plus vite que ses yeux ne pouvaient le voir.
« Tu devrais vraiment montrer cet endroit. Je pense que les gens ont une mauvaise idée de qui tu es réellement ».
« Quelle idée ont-ils ? » demanda Lizzie.
« Oh, je ne sais pas, comme tu cries souvent, que tu parles de couper des têtes et que tu es sans cesse impérieuse » dit Apple, caressant les feuilles poilues du Merveillodendron violet.
Ca semblait juste pour Lizzie. Tapageuse et impérieuse était la manière dont les livres qui parlaient du Pays des Merveilles décrivaient la Reine de Cœur. Peut-être qu’elle faisait du bon travail en se transformant en sa mère après tout. Alors pourquoi les opinions la faisaient se sentir comme si elle était le dernier chaton dans la boîte marquée CHATONS GRATUITS ! du village d’à côté ?
« Mais tu es bien plus douce que ça », dit Apple, en se penchant pour humer une campanule à six têtes. « Je veux dire, tu dois avoir bon cœur et une énorme dose de patience pour créer et entretenir un jardin comme celui-ci ! Ici, c’est comme si je voyais la vraie Lizzie. »
La vraie Lizzie ? Elle avait clairement baissé sa garde pour qu’Apple dise quelque chose comme ça. Se sentant soudain trop évidente et Pas Assez Parfaite, elle remit son masque de reine.
« Je n’ai pas le temps pour ces trucs de partage et d’aide pour lesquels tu es venue m’enrôler et essayer de me flatter avec de l’intérêt pour le mon Petit Bois ne changera pas mon… »
« Oooh » couina Apple. « Des hérissons ! Tu as de mignons petits hérissons ici ! »
« Oui » dit Lizzie, attrapant l’une des petites créatures. Elle commença à la bichonner mais s’arrêta, ne voulant pas apparaître trop douce. « Ils font d’excellentes armes ». Lizzie jeta le hérisson dans l’abri de jardin. Les hérissons Wonderlandiens étaient quasiment indestructibles sur le côté piquant. C’est ce qui faisait d’eux d’excellentes balles de croquet.
« Oh ! Pauvre petite chose ! » balbutia Apple, courant vers là où le hérisson était maintenant collé contre le mur de l’abri, ses piquants enfoncés dans le bois. Il fit un petit signe à Lizzie. Lizzie salua en retour. Clairement, Apple White ne connaissait en fin de compte rien du tout si elle pensait qu’un hérisson Wonderlandien pouvait être blessé par un petit lancé.
« Est-ce que ça va, mon petit ? » demanda Apple, s’affairant à libérer la bête.
Il fit « ploc » sur le sol et marcha sans se presser vers le buisson le plus proche.
« On dirait qu’il va bien ». Apple se tourna vers Lizzie. « Comment as-tu pu ? Tu … » Une pensée lui fit lever les sourcils « Eh bien, tu es destinée à être une sorte de méchante, pas vrai ? Je ne peux pas te reprocher de suivre ta destinée ».
« Si tu n’as pas encore préparé tes affaires pour l’excursion, Apple, je pense que c’est le bon moment » dit Lizzie, son malaise grandissant.
« Oui ! Bien sûr ! L’excursion ! » Apple fit tous les mouvements nécessaires pour se dépoussiérer, même s’il n’y avait aucune trace de saleté sur elle. « C’est pour ça que je suis venue ! Le Directeur Grimm a besoin de toi dans la Salle du Conseil Royal des Etudiants – pour le, tu sais, truc de partage et d’aide ».
« Oh ! ». Lizzie courut vers la porte en forme de cœur qui conduisait à sa chambre. « Je te verrai là-bas ».
Apple la suivit « Je vais juste… »
Lizzie se retourna brusquement « Tu ne vas juste rien du tout ! » Personne d’autre qu’elle n’était jamais passée par la porte en forme de cœur.
Apple écarquilla les yeux. Elle avait presque peur. Et c’était ce que Lizzie voulait, n’est-ce pas ? Que les gens aient peur d’elle ?
Conseil provenant de l’une des cartes de sa mère :
Il est préférable de porter des gants plutôt qu’une barbe
Et préférable d’être crainte qu’aimée
Lizzie tira sur ses gants serrés à la dentelle noire ourlée. Elle afficha sa quasi plus effrayante expression sur son visage et dit à Apple. « Tu retournes à pied. On se verra là-bas ».
Elle entra dans sa chambre et claqua la porte magique derrière elle. Peut-être que sa mère serait fière. Mais au lieu de bourdonner entre pouvoir et joie, Lizzie se sentait un peu seule, et peut-être comme un hérisson suspendu à un abri de jardin le ferait, personne dans les environs n’entendrait ses cris.
Lizzie marcha puissamment à travers les corridors, sous les arbres-piliers de l’école, et descendit les marches de pierre. Que pouvait vouloir le Directeur Grimm ? Elle n’avait enfreint aucune règle, n’est-ce pas ? On ne savait jamais dans ce pays étrange. Après tout, Maddie avait été quasiment bannie juste pour avoir célébré le Swappersnatch Gyre. C’est vrai, l’Uni Cairn avait été tragiquement brisée juste à ses pieds, libérant le Jabberworck, mais ça n’était pas de la faute de Maddie. De plus, Baba Yaga avait dit que le Jabberworck aimerait se pelotonner sur le sommer d’une montagne lointaine et dormirait pendant des années.
Juste au moment où Lizzie atteignait la porte de la Salle du Conseil Royal des Etudiants, Apple vola à travers une fenêtre. Ainsi, environ une centaine d’oiseaux chanteurs l’avaient transportée et déposée juste devant Lizzie. Avec leurs ailes et becs, ils arrangèrent ses cheveux et remirent ses vêtements en ordre avant de s’envoler.
« Merci mes amis à plumes » s’écria Apple dans leur direction. Elle sourit à Lizzie comme si rien de gênant ne s’était passé entre elles et ouvrit la porte.
Le directeur arpentait l’estrade du Conseil des Etudiants, vérifiant sa montre à gousset en or. Il avait un visage ferme, des cheveux gris acier, et un impressionnant manteau gris. Toute cette grisaille semblait déclarer à Lizzie « je suis sérieux ! ». Derrière lui, Daring Charming était penché derrière un bureau, vérifiant ses dents dans le reflet de son épée. Ses cheveux blonds étaient peignés en arrière et gélifié au millimètre près. Briar Beauty était allongée sur le sol entre eux, habillée en rose vif et ronflant bruyamment. Que se passait-il ?
Il était l’heure pour l’une des cartes de la mère de Lizzie :
Dans le doute, cries !
« DE QUOI EST-IL QUESTION, DIRECTEUR GRIMM ? » cria Lizzie.
Grimm grimaça et frotta ses oreilles. « Euh, oui, eh bien, j’ai besoin de votre aide mademoiselle Hearts. »
Aha ! Le cri avait fonctionné ! Sa mère était un génie.
Daring fonça vers un arc royal et dit « Coup au coeur ! Une belle princesse est arrivée ! » Et étrangement, il regardait Lizzie, pas Apple. Les compliments de Daring avaient visiblement le pouvoir de faire battre des cils toutes les filles d’Ever After, mais Lizzie haussa les sourcils.
« Si votre cœur était là, Mr Charming » dit Lizzie « alors vous seriez mort ».
« Excuse-moi ? » demanda Daring.
« Tu as dit « coup au coeur », comme si ainsi tu voulais commander à ton cœur d’arrêter de battre. » dit Lizzie. « Si ton cœur est obéissant, je m’attends à ce que tu tombes raide mort à mes pieds. »
Daring regarda Lizzie. Il ouvrit la bouche et semblait surpris lorsqu’un gloussement lui échappa. Lizzie sourit. Elle n’entendait pas souvent Daring Charming rire.
Apple retira quelques papiers de sous la forme endormie de Briar et les tendit à Lizzie.
« La Tragédie d’Aquilona » lut Lizzie. « Une pièce par Milton Grimm ».
« Le spectacle sera une délicieuse et surprenante partie de notre excursion chez le Vent du Nord demain » dit Grimm. « Cependant, notre Aquilona n’a pas encore répété sa partie, parce qu’à chaque répétition, l’actrice… ». Grimm hocha la tête vers Briar qui ronflait doucement sur le sol. « Nous avons besoin d’une remplaçante ».
Un frisson glacé parcourut le dos de Lizzie. Se pavaner dans un rôle au théâtre devant une bande de roturiers ? Sa mère n’approuverait pas. Les gens jouaient pour une reine, et non pas elle pour eux.
Mais elle se rappela un morceau d’un conseil d’une carte à jouer de sa mère :
Si tu veux que quelque chose soit bien fait,
Fais-le toi-même
Pfft. Aucune servante dans tout Ever After ne pouvait faire mieux qu’elle. Elle devait constamment faire les choses elle-même. Des choses comme les devoirs royaux. Et débourrer les oreillers. Et jeter les hérissons.
« Pourquoi moi ? » demanda Lizzie.
« Vous êtes une Royale » dit Grimm. « Pour cette partie nous avons besoin d’une Royale loyale. Hem. La rime était voulue. »
« Mais l’excursion est déjà demain » dit Lizzie.
Apple prit sa main. Instinctivement, Lizzie la rejeta. Elle n’était pas habituée à être touchée. Apple ne sembla pas troublée le moins du monde.
« Lizzie, qu’est-ce qui écrit à l’extérieur de la Cafétéria ? » demanda Apple. « La petite pancarte jaune sur la porte qui a été mise en place la semaine dernière ».
« Tous les étudiants sont désormais priés de renoncer à toute activité de guerre, conflit, combat, et toute autre activité basée sur le jet de projectiles après être entré dans cette salle » récita Lizzie. « La nourriture projetée en l’air par des moyens magique ou tout autre… »
« Wow » l’interrompit Daring.
« Vous aviez raison, Mademoiselle White » dit Grimm.
« A propos de quoi ? » demanda Lizzie.
« A propos de toi » répondit Apple. « Tu peux mémoriser les choses royalement vite ».
Lizzie haussa les épaules. Elle avait mémorisé les cinquante-deux cartes de sa mère. Et beaucoup d’autres choses, aussi, comme des règles et des poèmes et des recettes de petits pains de qualité militaire. Une bonne mémoire était essentielle pour un souverain du Pays des Merveilles. Dans un endroit sens dessus-dessous comme celui-là, quelqu’un devait se rappeler ce que les choses étaient, ce qu’elles n’étaient pas, et ce qu’elles pourraient devenir.
« Et voilà ». Apple prit le script des mains de Lizzie et rédigea un nouveau titre pour la pièce :
AQUILONA, QU’ON LUI COUPE SA TETE !
« On peut commencer » dit Apple.
Lizzie sourit, juste un peu.
« Ne me dis pas que tu emballes un couteau à beurre », dit Duchess Swan tandis qu’elle pratiquait ses pirouettes tout autour de leur chambre à coucher. Duchess, fille de la Reine Cygne, dansait tout le temps. Même pendant qu’elle dormait, elle gardait ses pieds en pointe.
Lizzie fourra le couteau à beurre dans la poche à damiers rouge et or de sa jupe et sentit ses joues virer royalement au rouge. Au Pays des Merveilles, avoir un couteau à beurre en toutes circonstances a tout simplement du sens – après tout, personne ne savait quand quelqu’un viendrait avec du beurre. Mais ce qui avait du sens au Pays des Merveilles avait rarement du sens à Ever After. Lizzie se sentait souvent aussi confuse qu’un œuf rempli de chauves-souris.
« C’est une excursion, pour l’amour des fées », disait Duchess en faisant ses pliés tout en fourrant une tiare en argent et une couronne à plumes dans son sac à dos. « Tu ne sais pas comment on prépare son sac pour une excursion ? ». Duchess ajouta une paire de chaussons de danse en satin noir. « Pourquoi, quand je… »
Duchess continua de parler, mais Lizzie arrêta d’écouter. Sa mère lui avait appris que Ne Pas Ecouter était une compétence importante pour une reine. La main de Lizzie était toujours dans la profonde poche de sa jupe, et elle la referma autour de son précieux deck de cartes de jeu. Sa mère le lui avait donné avant que Lizzie ne s’échappe du Pays des Merveilles avec Kitty Cheshire, Madeline Hatter, et quelques autres. Elle glissa une carte en dehors du deck et lut la note griffonnée par la main de sa mère.
Les vers parlent, oui ils le font,
Mais pas autant que toi et moi
Tout ce qu’ils disent c’est « blablabla nourriture »
Donc tu n’as pas besoin de trop écouter
Entraîne-toi à Ne Pas Ecouter les vers aujourd’hui
Et par vers, je veux dire les gens
Sur chaque carte du deck sa mère avait écrit un conseil pour Lizzie, destiné à faire d’elle une meilleure reine, souvent combiné avec d’autres informations sur comment le monde fonctionne. Ou comment il devrait fonctionner. Même si elle était à Ever After High depuis un certain temps, Lizzie se sentait toujours incapable de comprendre toutes les étranges et folles habitudes de l’école. Comme celle qui consistait à préparer son sac pour une excursion.
« … une plume ! Tu le crois ça ? » disait Duchess en brossant ses longs cheveux noirs, blancs et lavande. Lizzie agita sa main pour réclamer le silence, qui ne vint pas. « Et elle n’était même pas blanche, pas vraiment ! Elle était peinte, comme avec une sorte de… »
« Qu’on lui coupe la tête ! » cria Lizzie.
Duchess s’arrêta, la bouche ouverte.
« Explique cette excursion » demanda Lizzie.
Une autre des cartes de sa mère conseillait :
Ne jamais jamais jamais jamais jamais jamais jamais jamais admettre
Qu’il y a quelque chose que tu ne sais pas.
Parce que tu sais tout
Tu peux avoir simplement oublié
Une partie de quelque chose
De plus, ne dis à personne que tu as oublié
Donc Lizzie ajouta « Non pas que je ne me rappelle pas exactement que le Directeur Grimm a dit où nous allons et pourquoi. Je veux juste voir si tu le sais. Naturellement, ce n’est pas qu’une promenade. Humm, pas vrai ?
Duchess soupira « C’est une excursion du Vent. Chaque année nous rendons visite à l’un des Quatre Vents. Le Vent de l’Ouest, c’était l’année dernière, tu te rappelles ? »
Malheureusement Lizzie se rappelait très bien cette excursion à la plage. Elle ne se rappelait pas du Vent de l’Ouest lui-même, bien qu’il ait l’habitude d’appeler tout le monde « mec ». Il ne ressemblait pas à un vent du tout, juste à un homme en maillot de bain avec des cheveux bleus qui claquaient sans cesse dans un vent que personne d’autre ne pouvait sentir. Mais l’après-rencontre – la partie « fun » - donnait toujours des frissons à Lizzie.
Les étudiants avaient apporté du matériel de natation, couraient dans et hors de l’eau, et se jetaient des ballons au-dessus de filets comme si ces activités étaient complètement normales. Pendant ce temps, Lizzie s’était assise sur le sable, tandis que, enveloppée dans son manteau garni de plumes de flamants, elle transpirait. Si elle avait demandé à quelqu’un de lui expliquer ce qu’on était supposé faire sur une plage d’Ever After, ils sauraient qu’elle ne sait pas tout – et, de plus, qu’elle n’était pas encore prête à être la Reine de Cœur. Et elle décevrait sa mère et abandonnerait le Pays des Merveilles. Donc elle a dû rester simplement là. A transpirer. Et ressembler autant que possible à une reine.
Elle caressait son manteau de plumes à présent, sans savoir si elle devait l’empaqueter à nouveau.
Duchess parlait toujours « … son nom est Zephyrus, tu sais ? Plutôt un gentil garçon pour un Vent. Je me disais que Zephyrus serait un joli nom pour mon prince charmant. Ou bien Ryan. »
Lizzie se préparait pour davantage de Ne Pas Ecouter mais elle estima qu’elle n’avait plus assez d’énergie pour ça.
« Je crois que j’ai entendu un hérisson qui a besoin d’aide » dit Lizzie. D’une manière royale – menton relevé et lèvres serrées – elle marcha vers la porte ornée, en forme de cœur, dans son côté rouge et or de la chambre. La porte était juste à sa taille et, source perpétuelle d’irritation pour Duchess, Lizzie était la seule à pouvoir l’ouvrir. Mais Duchess ne pouvait pas se plaindre. Après tout, la porte magique avait été installée avec la permission spéciale du Directeur Grimm lui-même.
« Excuse-moi ? » dit Duchess. « J’étais en train de dire quelque chose. »
« Tu es excusée » dit Lizzie, et elle marcha à travers la porte, en la refermant fermement derrière elle.
Au début, il y avait un vide frissonnant. La pâle peau de Lizzie se piqueta de chair de poule tandis qu’elle attendait la magie. En moins de temps qu’il n’en faut pour inspirer une bouffée d’air, un brouillard parfumé au miel se leva, tourbillonna et s’envola. Derrière elle se tenait la porte, mais elle n’était plus attachée au mur. Lizzie n’était plus à l’école, transportée des lisières des pelouses de l’école à son propre jardin personnel.
Lizzie inspira et se sentit relaxée de sa lourde couronne dorée à ses chaussures rouges aux talons dorés. L’air dans le Petit Bois des Merveilles, parfumé par les plantes et les fleurs du Pays des Merveilles, rappelait le chewing-gum mouillé, le soda pétillant froid et le loukoum à moitié mangé. Lizzie se promena sur le gravier de cristal entre les lits de fleurs soigneusement rangées, les buissons soigneusement taillés et les arbres aux formes parfaites. Elle laissa ses doigts traîner sur les feuilles et les fleurs, saluant d’une caresse les fleurs qu’elle avait plantées et soignées. Leur magie était affaiblie à Ever After – les champignons jaunes à pois qui surgissaient entre trois racines ne pouvaient pas changer de taille, par exemple – mais au moins ils avaient tous l’apparence et le parfum de la maison. Lizzie ferma les yeux et sourit. Ici, elle n’avait pas besoin de s’inquiéter des gens qui la regardaient pour savoir si elle agissait comme la parfaite reine que sa mère voulait qu’elle soit.
Un crissement trancha l’air. Lizzie courut vers la petite cabane où elle gardait outils de jardinage, accessoires de croquet et quelques centaines de paquets de cartes de jeu du Pays des Merveilles de rechange. Son hérisson de compagnie, Shuffle, pendait au toit par une minuscule patte. Lizzie la saisit et caressa l’épineuse créature tandis qu’elle frissonnait de terreur.
« Apparemment j’avais raison à propos d’un hérisson qui avait des ennuis » dit-elle. « Comment as-tu fait tout le chemin jusque-là, Shuffle-bug ? »
Le hérisson ne dit rien, car à Ever After, les hérissons ne parlaient pas. Aucun hérisson que Lizzie ait pu voir, en tout cas, et elle était plutôt observatrice pour tout ce qui concernait les hérissons. Au Pays des Merveilles, un hérisson – ou n’importe quoi, en fait – pourrait parler un jour et pas le lendemain, mais la conversation était toujours possible. A Ever After, les choses étaient ce qu’elles étaient, avec juste quelques changements, quelques paroles (Duchess était une exception notable). Donc elle dut imaginer que Shuffle exprimait ses remerciements pour le sauvetage, manifestait avec force effusion sentimentale son amour pour Lizzie, puis lui donner une recette pour une délicieuse tourte marshmallow-citron.
« Roink » dit Shuffle.
« Eh bien, oui, je suppose que tu parles » dit Lizzie. « Simplement pas de la même manière que moi. »
« Roink » souffla Shuffle.
Lizzie sourit. « Roink », souffla-t-elle en retour.
« Cuicui » dit un moineau depuis le toit de l’abri.
Un pinson débarqua juste à côté de lui.
« Cuicui » dit le pinson, et le moineau hocha la tête en signe d’approbation.
Un rouge-gorge se posa pour rejoindre le groupe. « Cuicui » dit le rouge-gorge.
« Je ne parle pas le Cuicui », dit Lizzie.
« CUICUI » dirent les trois oiseaux en chœur.
« Pschhht ! » dit Lizzie en secouant la main vers le petit groupe. « Allez-vous en ».
Le pinson inclina la tête dans sa direction.
« Ecoute, je n’ai rien contre les oiseaux » dit Lizzie. « C’est juste qu’à Ever After, vous avez tendance à apporter d’autres accompagnateurs beaucoup plus gros avec vous ».
Au loin, quelque part entre la dernière plante Wonderlandienne et les pelouses officielles de l’école, quelqu’un cria « Lizzie ! ».
« Et ça » - Lizzie soupira « c’est exactement ce dont je suis en train de parler ».
Apple White, la co-présidente du Conseil Royal des Etudiants, courait vers elle dans ses incommodes talons hauts rouge et or. Comme Lizzie, Apple était destinée à devenir une reine. Mais Apple était gentille. Ca mettait Lizzie mal à l’aise. La Reine de Cœur n’avait-elle pas prévenu sa fille de ce que l’on attendait d’une reine ?
Une reine se lève et crie dans des pièces vides
Quand elle se sent faible,
Pour elle, elle est son propre écho.
Elle est la chose qui se tient entre
Ce qui a été et ce qui a été vu
Et elle pousse sur chacun des côtés
Une reine se lève pour elle-même,
Et par elle-même, et sur ses jambes.
Parce que ses jambes sont ce qui la tient debout.
Elle se lève aussi pour le pays. Son pays. Le Pays des Merveilles.
Sans pays, on se demande où on se lèverait.
Surtout les reines
En résumé : Pousse, Crie, Lève-toi. Sois une reine
« Lizzie ! » cria à nouveau Apple, en la saluant de la main cette fois, bien que Lizzie ait été bien avertie par son propre nom, donc le répéter ne semblait pas nécessaire. Peut-être que c’était un truc à Ever After. Elle devrait essayer, pour que les Ever Afteriens se sentent plus à l’aise.
« Apple ! » cria Lizzie, voyant Apple courir pour parcourir les derniers mètres qui la séparaient d’elle.
« Hé ! » dit Apple, un peu à bout de souffle, mais sans le moindre signe de transpiration, ses parfaites boucles blondes flottant autour de ses joues potelées et de son sourire infatigable.
« Apple ! » cria encore Lizzie.
« Ouais », dit Apple, clairement légèrement confuse à propos de quelque chose, mais Lizzie sentit qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter pour cela.
« Apple ! » dit encore Lizzie, parce que la troisième fois porte chance.
« Hé, j’ai essayé de te trouver dans ta chambre, mais tu n’y étais pas, et Duchess ne voulait rien me dire ». Apple tendit sa main, et le pinson voltigea jusqu’à elle pour se percher sur son doigt, le moineau et le rouge-gorge se posant lentement sur ses épaules.
« Elle ne t’a rien dit ? » demanda Lizzie. « Je trouve ça remarquable. Elle raconte toujours des choses, que l’on veuille les entendre ou pas ».
Apple rit. « Oui, c’est vrai, mais elle n’a rien voulu me dire sur l’endroit où tu étais. Je crois que je n’ai pas prêté attention au reste. »
Lizzie hocha la tête. Apple devait avoir appris la leçon de Ne Pas Ecouter par sa mère, elle aussi. Peut-être qu’elles étaient plus semblables que Lizzie ne l’aurait cru.
« Enfin bref »dit Apple. « J’ai envoyé mes adorables petits amis oiseaux pour te trouver pour que je puisse t’offrir une excellente opportunité de te connecter au corps étudiant, d’être féeriquement utile et d’avoir une incroyable expérience à partager ! »
A nouveau, peut-être qu’Apple et Lizzie étaient aussi différentes l’une de l’autre que Lizzie l’avait imaginé de prime abord.
« Je suis occupée » dit Lizzie.
Apple marcha vers elle, entrant dans le Petit Bois. « C’est génial ! Combien d’espèces différentes as-tu planté ? »
« Vingt-deux » répondit Lizzie, sa voix s’adoucissant malgré elle. « si tu comptes les deux sortes de buissons de baies changeantes, les trois sortes de buissons de Merveillodendrons et quelques sous-espèces d’attrape-mouches Féerique de Venus. » (le texte original mentionne que la plante s’appelle « Venus Fairy Traps », une référence cachée à Venus McFlytrap, personnage de Monster High !)
Apple s’accroupit près d’un buisson de baies changeantes, saisie par les baies qui changeaient de couleur plus vite que ses yeux ne pouvaient le voir.
« Tu devrais vraiment montrer cet endroit. Je pense que les gens ont une mauvaise idée de qui tu es réellement ».
« Quelle idée ont-ils ? » demanda Lizzie.
« Oh, je ne sais pas, comme tu cries souvent, que tu parles de couper des têtes et que tu es sans cesse impérieuse » dit Apple, caressant les feuilles poilues du Merveillodendron violet.
Ca semblait juste pour Lizzie. Tapageuse et impérieuse était la manière dont les livres qui parlaient du Pays des Merveilles décrivaient la Reine de Cœur. Peut-être qu’elle faisait du bon travail en se transformant en sa mère après tout. Alors pourquoi les opinions la faisaient se sentir comme si elle était le dernier chaton dans la boîte marquée CHATONS GRATUITS ! du village d’à côté ?
« Mais tu es bien plus douce que ça », dit Apple, en se penchant pour humer une campanule à six têtes. « Je veux dire, tu dois avoir bon cœur et une énorme dose de patience pour créer et entretenir un jardin comme celui-ci ! Ici, c’est comme si je voyais la vraie Lizzie. »
La vraie Lizzie ? Elle avait clairement baissé sa garde pour qu’Apple dise quelque chose comme ça. Se sentant soudain trop évidente et Pas Assez Parfaite, elle remit son masque de reine.
« Je n’ai pas le temps pour ces trucs de partage et d’aide pour lesquels tu es venue m’enrôler et essayer de me flatter avec de l’intérêt pour le mon Petit Bois ne changera pas mon… »
« Oooh » couina Apple. « Des hérissons ! Tu as de mignons petits hérissons ici ! »
« Oui » dit Lizzie, attrapant l’une des petites créatures. Elle commença à la bichonner mais s’arrêta, ne voulant pas apparaître trop douce. « Ils font d’excellentes armes ». Lizzie jeta le hérisson dans l’abri de jardin. Les hérissons Wonderlandiens étaient quasiment indestructibles sur le côté piquant. C’est ce qui faisait d’eux d’excellentes balles de croquet.
« Oh ! Pauvre petite chose ! » balbutia Apple, courant vers là où le hérisson était maintenant collé contre le mur de l’abri, ses piquants enfoncés dans le bois. Il fit un petit signe à Lizzie. Lizzie salua en retour. Clairement, Apple White ne connaissait en fin de compte rien du tout si elle pensait qu’un hérisson Wonderlandien pouvait être blessé par un petit lancé.
« Est-ce que ça va, mon petit ? » demanda Apple, s’affairant à libérer la bête.
Il fit « ploc » sur le sol et marcha sans se presser vers le buisson le plus proche.
« On dirait qu’il va bien ». Apple se tourna vers Lizzie. « Comment as-tu pu ? Tu … » Une pensée lui fit lever les sourcils « Eh bien, tu es destinée à être une sorte de méchante, pas vrai ? Je ne peux pas te reprocher de suivre ta destinée ».
« Si tu n’as pas encore préparé tes affaires pour l’excursion, Apple, je pense que c’est le bon moment » dit Lizzie, son malaise grandissant.
« Oui ! Bien sûr ! L’excursion ! » Apple fit tous les mouvements nécessaires pour se dépoussiérer, même s’il n’y avait aucune trace de saleté sur elle. « C’est pour ça que je suis venue ! Le Directeur Grimm a besoin de toi dans la Salle du Conseil Royal des Etudiants – pour le, tu sais, truc de partage et d’aide ».
« Oh ! ». Lizzie courut vers la porte en forme de cœur qui conduisait à sa chambre. « Je te verrai là-bas ».
Apple la suivit « Je vais juste… »
Lizzie se retourna brusquement « Tu ne vas juste rien du tout ! » Personne d’autre qu’elle n’était jamais passée par la porte en forme de cœur.
Apple écarquilla les yeux. Elle avait presque peur. Et c’était ce que Lizzie voulait, n’est-ce pas ? Que les gens aient peur d’elle ?
Conseil provenant de l’une des cartes de sa mère :
Il est préférable de porter des gants plutôt qu’une barbe
Et préférable d’être crainte qu’aimée
Lizzie tira sur ses gants serrés à la dentelle noire ourlée. Elle afficha sa quasi plus effrayante expression sur son visage et dit à Apple. « Tu retournes à pied. On se verra là-bas ».
Elle entra dans sa chambre et claqua la porte magique derrière elle. Peut-être que sa mère serait fière. Mais au lieu de bourdonner entre pouvoir et joie, Lizzie se sentait un peu seule, et peut-être comme un hérisson suspendu à un abri de jardin le ferait, personne dans les environs n’entendrait ses cris.
Lizzie marcha puissamment à travers les corridors, sous les arbres-piliers de l’école, et descendit les marches de pierre. Que pouvait vouloir le Directeur Grimm ? Elle n’avait enfreint aucune règle, n’est-ce pas ? On ne savait jamais dans ce pays étrange. Après tout, Maddie avait été quasiment bannie juste pour avoir célébré le Swappersnatch Gyre. C’est vrai, l’Uni Cairn avait été tragiquement brisée juste à ses pieds, libérant le Jabberworck, mais ça n’était pas de la faute de Maddie. De plus, Baba Yaga avait dit que le Jabberworck aimerait se pelotonner sur le sommer d’une montagne lointaine et dormirait pendant des années.
Juste au moment où Lizzie atteignait la porte de la Salle du Conseil Royal des Etudiants, Apple vola à travers une fenêtre. Ainsi, environ une centaine d’oiseaux chanteurs l’avaient transportée et déposée juste devant Lizzie. Avec leurs ailes et becs, ils arrangèrent ses cheveux et remirent ses vêtements en ordre avant de s’envoler.
« Merci mes amis à plumes » s’écria Apple dans leur direction. Elle sourit à Lizzie comme si rien de gênant ne s’était passé entre elles et ouvrit la porte.
Le directeur arpentait l’estrade du Conseil des Etudiants, vérifiant sa montre à gousset en or. Il avait un visage ferme, des cheveux gris acier, et un impressionnant manteau gris. Toute cette grisaille semblait déclarer à Lizzie « je suis sérieux ! ». Derrière lui, Daring Charming était penché derrière un bureau, vérifiant ses dents dans le reflet de son épée. Ses cheveux blonds étaient peignés en arrière et gélifié au millimètre près. Briar Beauty était allongée sur le sol entre eux, habillée en rose vif et ronflant bruyamment. Que se passait-il ?
Il était l’heure pour l’une des cartes de la mère de Lizzie :
Dans le doute, cries !
« DE QUOI EST-IL QUESTION, DIRECTEUR GRIMM ? » cria Lizzie.
Grimm grimaça et frotta ses oreilles. « Euh, oui, eh bien, j’ai besoin de votre aide mademoiselle Hearts. »
Aha ! Le cri avait fonctionné ! Sa mère était un génie.
Daring fonça vers un arc royal et dit « Coup au coeur ! Une belle princesse est arrivée ! » Et étrangement, il regardait Lizzie, pas Apple. Les compliments de Daring avaient visiblement le pouvoir de faire battre des cils toutes les filles d’Ever After, mais Lizzie haussa les sourcils.
« Si votre cœur était là, Mr Charming » dit Lizzie « alors vous seriez mort ».
« Excuse-moi ? » demanda Daring.
« Tu as dit « coup au coeur », comme si ainsi tu voulais commander à ton cœur d’arrêter de battre. » dit Lizzie. « Si ton cœur est obéissant, je m’attends à ce que tu tombes raide mort à mes pieds. »
Daring regarda Lizzie. Il ouvrit la bouche et semblait surpris lorsqu’un gloussement lui échappa. Lizzie sourit. Elle n’entendait pas souvent Daring Charming rire.
Apple retira quelques papiers de sous la forme endormie de Briar et les tendit à Lizzie.
« La Tragédie d’Aquilona » lut Lizzie. « Une pièce par Milton Grimm ».
« Le spectacle sera une délicieuse et surprenante partie de notre excursion chez le Vent du Nord demain » dit Grimm. « Cependant, notre Aquilona n’a pas encore répété sa partie, parce qu’à chaque répétition, l’actrice… ». Grimm hocha la tête vers Briar qui ronflait doucement sur le sol. « Nous avons besoin d’une remplaçante ».
Un frisson glacé parcourut le dos de Lizzie. Se pavaner dans un rôle au théâtre devant une bande de roturiers ? Sa mère n’approuverait pas. Les gens jouaient pour une reine, et non pas elle pour eux.
Mais elle se rappela un morceau d’un conseil d’une carte à jouer de sa mère :
Si tu veux que quelque chose soit bien fait,
Fais-le toi-même
Pfft. Aucune servante dans tout Ever After ne pouvait faire mieux qu’elle. Elle devait constamment faire les choses elle-même. Des choses comme les devoirs royaux. Et débourrer les oreillers. Et jeter les hérissons.
« Pourquoi moi ? » demanda Lizzie.
« Vous êtes une Royale » dit Grimm. « Pour cette partie nous avons besoin d’une Royale loyale. Hem. La rime était voulue. »
« Mais l’excursion est déjà demain » dit Lizzie.
Apple prit sa main. Instinctivement, Lizzie la rejeta. Elle n’était pas habituée à être touchée. Apple ne sembla pas troublée le moins du monde.
« Lizzie, qu’est-ce qui écrit à l’extérieur de la Cafétéria ? » demanda Apple. « La petite pancarte jaune sur la porte qui a été mise en place la semaine dernière ».
« Tous les étudiants sont désormais priés de renoncer à toute activité de guerre, conflit, combat, et toute autre activité basée sur le jet de projectiles après être entré dans cette salle » récita Lizzie. « La nourriture projetée en l’air par des moyens magique ou tout autre… »
« Wow » l’interrompit Daring.
« Vous aviez raison, Mademoiselle White » dit Grimm.
« A propos de quoi ? » demanda Lizzie.
« A propos de toi » répondit Apple. « Tu peux mémoriser les choses royalement vite ».
Lizzie haussa les épaules. Elle avait mémorisé les cinquante-deux cartes de sa mère. Et beaucoup d’autres choses, aussi, comme des règles et des poèmes et des recettes de petits pains de qualité militaire. Une bonne mémoire était essentielle pour un souverain du Pays des Merveilles. Dans un endroit sens dessus-dessous comme celui-là, quelqu’un devait se rappeler ce que les choses étaient, ce qu’elles n’étaient pas, et ce qu’elles pourraient devenir.
« Et voilà ». Apple prit le script des mains de Lizzie et rédigea un nouveau titre pour la pièce :
AQUILONA, QU’ON LUI COUPE SA TETE !
« On peut commencer » dit Apple.
Lizzie sourit, juste un peu.